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Soutenance de thèse - Céline Boisserie-Lacroix "Emotions, valeurs, justification. Les perspectives d’une approche fiabiliste"

 

Date : Lundi 6 février 2023 - 14:30

Lieu : Les personnes intéressées pour y assister en distanciel peuvent m’écrire (celine.boisserie@gmail.com) pour obtenir le lien de connexion

Jury :

  • Fabrice Teroni (Université de Genève)
  • Christine Tappolet (Université de Montréal)
  • Anne Meylan (Université de Zurich)
  • Stéphane Lemaire (Université de Rennes I)
  • Frédérique de Vignemont (Institut Jean-Nicod)
  • Jérôme Dokic (Institut Jean-Nicod, directeur de thèse)

 

Résumé :

Le sujet de l’articulation entre les émotions et les valeurs fait l’objet de discussions importantes. Si l’on reconnaît qu’un lien étroit les unit, une question cruciale porte sur la délimitation du rôle joué par les émotions dans la justification des croyances évaluatives. À ce titre, l’approche fiabiliste de la justification (Goldman, 1979) a été relativement peu explorée, alors même qu’elle soulève un certain nombre de difficultés. Dans cette thèse, je montre que les émotions ont un rôle essentiel à jouer dans la justification des croyances évaluatives. En recourant à une approche fiabiliste, je défends qu’elles assurent ce rôle d’autant mieux qu’elles s’accompagnent de mécanismes de vigilance épistémique s’incarnant de façon privilégiée à travers des sentiments d’incertitude. L’argumentation proposée se structure en quatre parties. La première partie précise les fondements de ce travail. Le chapitre 1 apporte une définition générale d’une émotion et propose une articulation entre émotions et valeurs. Le chapitre 2 présente les différentes théories de la justification disponibles et motive le choix d’une approche fiabiliste, tout en introduisant plusieurs défis auxquels elle est confrontée. La seconde partie présente l’objection principale à l’application d’une théorie fiabiliste de la justification aux émotions. En effet, il semble que les émotions ne nous relient généralement pas correctement aux valeurs. Pourtant, si plusieurs auteurs reconnaissent précisément leur manque de fiabilité, ils en minimisent étonnamment l’importance épistémique (par exemple, Tappolet, 2000 ; Pelser, 2014). Le chapitre 3 motive cette objection par un ensemble de considérations psychologiques. Le chapitre 4 présente un certain nombre de réponses ayant été apportées, lesquelles sont autant de nature psychologique qu’épistémologique, pour en révéler les insuffisances. L’objection soulevée met particulièrement en difficulté l’approche fiabiliste classique, dans laquelle les éléments portant sur la fiabilité des émotions ne sont pas rendus accessibles au sujet. La troisième partie apporte de premières réponses à travers l’examen d’une approche fiabiliste amendée qualifiée d’« expérientielle » en ce qu’elle fait droit au rôle de preuve de l’expérience émotionnelle. Les chapitres 5 et 6 proposent des discussions approfondies des versions existantes, une théorie fiabiliste dite « des indicateurs » (Alston, 1988) et une théorie fiabiliste dite « des processus » (notamment, Goldman, 2011), lesquelles se distinguent selon la nature de la propriété de fiabilité sur laquelle elles reposent. Je favoriserai la seconde version et avancerai qu’elle doive s’accompagner de la prise en compte de mécanismes de vigilance. Le chapitre 7 consiste en une discussion d’illustrations existantes d’une telle théorie fiabiliste à deux niveaux, lesquelles ont été proposées par Goldie (2004) et par Brady (2010). La quatrième et dernière partie motive l’introduction de sentiments métacognitifs d’incertitude. Le chapitre 8 présente les avantages de cette position par rapport aux approches concurrentes, tout en dressant un portrait de ces états mentaux et de leurs propriétés épistémiques. Je propose qu’ils reposent sur la détection d’éléments d’incertitude caractérisant les situations dans lesquelles surviennent les émotions. Le chapitre 9 justifie la plausibilité de cette approche en montrant que des sentiments d’incertitude sont susceptibles de porter sur des émotions pour en améliorer le statut épistémique, et qu’ils peuvent se déclencher dans l’ensemble des situations d’incertitude émotionnelle. Le modèle proposé semble ainsi le mieux positionné pour prouver que les émotions peuvent constituer des sources fiables de croyances évaluatives et qu’elles sont indispensables à leur justification. Il suggère plus généralement une perspective élargie sur la rationalité des émotions.


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