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Date : vendredi 26 avril à 15h30
Lieu : salle des réunions du DEC, 29 rue d’ULM.
Jury
Résumé
La plupart d’entre nous ont au moins une compréhension théorique de ce qu’est la propagande, mais c’est un concept contesté. Il n’y a pas de consensus sur son extension – l’ensemble des choses auxquelles le terme s’applique –, il y a donc un problème de démarcation : qu’est-ce que la propagande et qu’est-ce qui ne l’est pas ? Ce projet tente de développer un outil d’analyse politico-épistémologique qui clarifie le concept de propagande comme étant central dans le discours public, c’est-à-dire spécifiquement discursif et politique. Je commence par décrire les fonctions qu’un tel outil devrait remplir et par motiver l’interprétation épistémologique du concept.
Dans le chapitre 1, je passe en revue la littérature philosophique. Les concepts examinés présentent des caractéristiques plausibles, mais je soutiens qu’ils généralisent trop ou pas assez. Une première approche repose sur la notion de déficience épistémique, qui, selon moi, est à la fois une qualité trop vague et trop universelle pour rendre compte du caractère distinctif de la propagande. Une deuxième approche affirme que la caractéristique centrale de la propagande est sa structure argumentative, et une troisième suggère qu’elle fonctionne en faisant appel à des idéaux, à des récits d’affect ou d’identité. La propagande peut fonctionner selon ces récits, mais j’utilise des contre-exemples pour montrer que toute la propagande ne fonctionne pas de cette façon.
Dans le chapitre 2, j’examine les évolutions récentes de nos pratiques de partage d’informations et je suggère que celles-ci permettent de nouvelles approches de la propagande qui remettent en question certaines intuitions sur sa nature. Je fais valoir qu’il n’est pas nécessaire qu’elle provienne de ceux qui ont le pouvoir politique, qu’elle cible les masses ou qu’elle vise à inculquer la croyance.
Dans le chapitre 3, je propose un concept de propagande qui fait appel à une combinaison de moyens de persuasion qui engagent insuffisamment les capacités délibératives des répondants. J’articule une typologie de stratégies rhétoriques qui inclut (1) la persuasion irrationnelle, (2) la manipulation rationnelle et (3) la persuasion non rationnelle et je suggère que la propagande implique une combinaison de moyens de persuasion manipulateurs non rationnels et irrationnels ou rationnels. Comme ces moyens subvertissent les processus rationnels, j’affirme que le phénomène doit être compris comme une pratique illégitime et que, compte tenu de sa nature essentiellement trompeuse, il va nécessairement à l’encontre des intérêts épistémiques des répondants.
Le chapitre 4 se concentre sur la mise en œuvre du concept que j’ai proposé en explorant les applications théoriques et pratiques. Je suggère que cela aide à appréhender les concepts adjacents de fausses nouvelles et de théories du complot, en faisant valoir qu’il s’agit de variétés de propagande, et à utiliser la typologie des stratégies rhétoriques pour circonscrire un concept de persuasion politique légitime. Enfin, je mène une expérience rudimentaire pour montrer que la technologie des grands modèles de langage pourrait être utilisée pour opérationnaliser le concept de telle sorte qu’il agisse comme un outil pour détecter la propagande dans le discours public, à grande échelle et en temps réel. Je conclus en examinant comment le concept fonctionne par rapport aux objectifs énoncés et aux préoccupations soulevées dans les chapitres 1 et 2. J’aborde les défis liés à la méthodologie du projet et je termine par de brèves discussions sur les mesures prophylactiques possibles et dans quelle mesure nous avons finalement (empiriquement ) font craindre de succomber à la propagande.