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TIERCELIN Claudine

Professeur, Collège de France

 

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Claudine Tiercelin est professeur au Collège de France où elle occupe depuis le 9 décembre 2010 la chaire de Métaphysique et philosophie de la connaissance, après avoir été membre senior de l’Institut Universitaire de France et professeur de philosophie à l’Université de Paris XII.

 

Née à Brest en 1952, agrégée de philosophie, ancienne élève de l’Ecole Normale Supérieurs (1972-1976) licenciée d’anglais (Université Bretagne Occidentale) et diplômée de l’EHESS (DEA de sociologie en 1977), elle a étudié la philosophie aux universités de Paris IV, de Berkeley (1978-1979) et de Paris I où elle a soutenu, sous la direction de Jacques Bouveresse, un doctorat de troisième cycle sur la philosophie de la connaissance et du langage de C. S. Peirce (1982), puis un doctorat d’état consacré au problème des universaux chez Peirce (thèse qui a obtenu en 1991 le prix John Jaffé de la chancellerie des universités de Paris.

De 1979 à 1984, elle a enseigné dans le secondaire, puis a exercé des fonctions d’assistante à l’université de Rouen, de maître de conférences à l’université de Paris I, de professeur à l’université de Tours et, à partir de 1996, à l’université de Paris XII (Créteil. Avant de devenir membre de l’Institut Jean Nicod, elle a été membre, entre 1989 et 2000, de l’Institut d’histoire et de philosophie des sciences de l’Université de Paris I. De 2000 à 2003, elle a présidé le jury des agrégations (interne et externe de philosophie. Elle a été en délégation au CNRS (2004-2005) auprès de l’Institut Jean Nicod. Elle a enseigné et donné des conférences dans de nombreuses universités à l’étranger. Elle a été Professeur invité à l’université Fordham (New York) durant les semestres d’automne 2006 et 2007.

 

Orientations et recherches actuelles

Les travaux de Claudine Tiercelin s’organisent autour de trois axes, depuis toujours étroitement corrélés : C.S. Peirce et l’héritage pragmatiste en philosophie, la métaphysique, la philosophie de la connaissance.

 

1. C. S. Peirce et l’héritage pragmatiste en philosophie : A Peirce, dont elle co-édite avec P. Thibaud les oeuvres aux éditions du Cerf (3 volumes parus sur les dix prévus), elle a consacré deux livres : C. S. Peirce et le pragmatisme (PUF, 1993) et La pensée-signe (J. Chambon, 1993) et une cinquantaine d’articles. Elle souhaite montrer l’originalité et la fécondité des concepts peirciens pour la philosophie contemporaine, mais aussi de ses héritiers chez des pragmatistes comme Frank Ramsey ou Hilary Putnam dont elle a traduit en français plusieurs ouvrages et à qui elle a consacré un livre Hilary Putnam, l’héritage pragmatiste (PUF, 2002), essentiellement sur le plan de la philosophie du langage et de la logique, de la philosophie de l’esprit, de la philosophie de la connaissance et de l’ontologie.

De façon générale, il s’agit pour elle de résister à l’imagerie tenace donnant du pragmatisme une vision exactement contraire à ce qu’il fut à l’origine, à savoir, non pas une philosophie matérialiste, utilitariste, réduisant toute pensée à l’action, voire à sa « cash value », mais une métaphysique de la science d’inspiration foncièrement réaliste, rationaliste mais non positiviste, s’appuyant sur la logique et la science sans pourtant s’y réduire. Dans Le doute en question, parades pragmatistes au défi sceptique, aux Editions de l’éclat (janvier 2005), elle a notamment examiné la nature et la portée de la contribution pragmatiste (chez Peirce, Ramsey, James et Putnam) au défi contemporain que représente le scepticisme dans les domaines de la connaissance, de l’éthique et de la métaphysique.

 

2. Métaphysique. Dans une perspective à la fois historique (notamment médiévale) et analytique, ses travaux visent aussi à proposer de nouvelles formulations du problème classique des universaux, dans ses aspects logico-linguistiques, physiques et métaphysiques.

Elle a écrit plusieurs articles et prépare un ouvrage sur les projets de constitution de sémantique naturaliste, selon une filiation que l’on peut reconstruire historiquement (Berkeley, Reid, Peirce, Morris, Millikan, Dretske) qu’elle entreprend de réévaluer à la lumière des travaux contemporains (en philosophie du langage, en philosophie de la perception et dans les neuro-sciences).

Suivant certaines des pistes indiquées dans un texte de 1995 (La métaphysique, in Notions de philosophie, Gallimard), elle essaie aussi de voir comment on peut reprendre le projet, envisagé et rejeté par Kant, d’un « système de préformation de la raison pure », dans la double perspective, d’une part, de l’ontologie de tradition analytique (D. Armstrong, K.Campbell, F. Jackson), d’autre part des recherches empiriques en cours en psychologie du développement, en anthropologie (E. Spelke, S. Carey, D. Sperber) ainsi qu’en physique (A. Bird, S. Mumford, N. Cartwright). Selon elle, l’attitude philosophique correcte ne consiste pas seulement à réfléchir sur les savoirs constitués à partir d’une analyse de type épistémologique s’attachant à déterminer si et pour quelles raisons les théories scientifiques sont vraies ; ou encore à raconter l’histoire de celles qui peuvent recevoir le titre de connaissances justifiées : elle consiste aussi à s’interroger sur le type de réalité dont parlent les théories scientifiques. En d’autres termes, il ne peut y avoir d’analyse épistémologique de la science sans une analyse métaphysique des questions abordées en son sein.

Elle a publié plusieurs articles en français et en anglais sur la méthode de l’analyse conceptuelle en métaphysique ainsi que sur le statut des propriétés et des dispositions. Elle vient d’achever un ouvrage (à paraître en mars 2011) Le Ciment ses choses : petit traité de métaphysique scientifique réaliste, dans lequel elle montre comment, en contournant les pièges du réalisme modal comme le rêve scientiste d’une métaphysique naturalisée, on peut toujours considérer la métaphysique comme une science. Prenant appui sur ces propriétés auxquelles les sciences physiques et cognitives mais aussi l’épistémologie elle-même, en ses récents développements, prêtent de nouveau une grande attention, que sont les pouvoirs et les dispositions, elle montre comment cette métaphysique scientifique peut prendre la forme d’un réalisme des dispositions.

 

3. Philosophie de la connaissance. L’approfondissement du réalisme scolastique sophistiqué que défend Peirce l’a conduite à articuler d’emblée sa propre recherche d’une forme satisfaisante de réalisme en métaphysique et les réflexions qu’elle a pu mener en philosophie de la connaissance, sur le modèle lockéen de l’ « epistemology » ou de l’Erkenntnistheorie, ainsi que Peirce qualifiait lui-même sa sémiotique philosophique.

C’est de nouveau l’examen de la question du réalisme, sous la forme qu’il a pu prendre dans la tradition pragmatiste et, en particulier, ses réserves à l’égard du réalisme pragmatiste ou « naturel » de Hilary Putnam, censé répondre à notre « crainte de la perte du monde », qui l’ont conduite à reprendre ces questions et, partant de là, à prendre part aux discussions autour du scepticisme, qui occupent une place centrale dans la philosophie contemporaine de la connaissance. A la fin de son livre de 2005, Le Doute en question, elle a proposé sinon les bases de ce que pourrait être une nouvelle définition de la connaissance, à tout le moins, plusieurs contraintes minimales qui, si l’on reste fidèle à certains enseignements du pragmatisme, doivent peser sur elle.

Dans ses travaux récents, elle a précisé sa position, en suggérant notamment de penser le concept de connaissance sur le modèle pragmatiste de l’enquête (« inquiry »), ce qui oblige à ouvrir l’épistémologie à l’éthique, mais aussi à la philosophie de l’esprit et, une fois encore, à la métaphysique, comme connaissance (enquête) de la nature.

Elle est actuellement responsable scientifique d’un projet retenu et financé par l’ANR en 2008, Connaissance, métacognition et modes de justification (KNOWJUST), s’effectuant dans le cadre de l’Institut Jean Nicod, en collaboration étroite avec Joëlle Proust. Ce projet, à l’interface de la philosophe de la connaissance et de l’esprit, vue sous l’angle de la métacognition, teste l’hypothèse selon laquelle la capacité mentale à avoir un accès implicite, non conceptuel, à des normes de raisonnement, dont on a pu montrer qu’elle est aussi présente, sous forme de dispositions métacognitives, chez les primates non-humains et les enfants humains, c’est-à-dire dans des organismes qui ne possèdent pas de concepts d’états mentaux, serait une source majeure du sentiment que l’on a d’être autorisé (entitled) à croire ce que l’on croit, voire d’être justifié (justified) à tenir ces croyances pour de la connaissance. Il s’agit de montrer comment une analyse de la normativité déjà présente dans la métacognition permet, d’une part, de clarifier l’épistémologie de la relation de justification et réciproquement, d’autre part, comment et pourquoi la normativité intervient aux deux niveaux, rendant peut-être caduque la distinction classique entre niveau descriptif (psychologique et cognitif) et évaluatif (épistémologique). En définissant la connaissance, non pas comme une croyance vraie justifiée, ni davantage comme une capacité vertueuse de l’agent sur le modèle de l’épistémologie des vertus, mais comme un système de questions (doutes) et de réponses (croyances provisoires) au sein d’une enquête (inquiry) rationnelle évaluée et contrôlée par des agents responsables, l’objectif est ainsi d’opposer une meilleure parade au défi sceptique, d’élaborer une approche de la connaissance comme éducation sentimentale et rationnelle, de développer une conception non déontologique de la justification, de proposer une métaphysique des normes dans un cadre naturaliste mais non réductionniste.


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