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Mis à jour
05 juillet 2021
IJN

Maryam Ebrahimi Dinani, lauréate de la bourse Anna Caroppo-Fondation du Collège de France 2021

Doctorante en philosophie à l’Institut Jean-Nicod, Maryam Ebrahimi Dinani vient d’obtenir une bourse Anna Caroppo – Fondation du Collège de France 2021 qui lui permettra de poursuivre ses travaux de recherche.

D’origine iranienne, Maryam Ebrahimi Dinani a commencé sa formation par des études d’architecture à l’Université de Téhéran, puis est arrivée en France en septembre 2011 pour entreprendre une licence de philosophie à la Sorbonne (Paris-IV). Admise au concours de la Sélection Internationale de l’ENS en 2014, elle a passé deux années à préparer un master en philosophie de la connaissance (LoPhiSC). En septembre 2016, elle obtient un contrat doctoral de l’ENS et poursuit une thèse sur les règles constitutives, pratiques sociales et actes de parole, à l’Institut Jean-Nicod sous la direction de François Recanati. 

De l’architecture à Téhéran à la philosophie à Paris

maryam

Maryam Ebrahimi Dinani s’imaginait philosophe depuis l’adolescence, mais l’ambiance culturelle iranienne, à laquelle ses parents adhéraient sous vouloir non plus lui imposer, soutenait qu’il était préférable de faire un BAC scientifique pour devenir ingénieur ou médecin. « J’ai ainsi opté pour la voie d’un BAC mathématico-physique, mais j’étais, dès lors, convaincue qu’étudier l’architecture aux Beaux-Arts (l’Univ. de Téhéran), était la seule et unique voie de compromis dans le domaine d’ingénierie, la seule que je pouvais aimer, et que j’ai, en réalité, bien aimé ». 

Son attrait pour la philosophie reste néanmoins prédominant et une fois le statut d’ingénieur obtenu, elle opère son départ vers Paris. « J’ai connu dès lors l’Institut Jean-Nicod, auquel je souhaitais adhérer un jour en tant que doctorante, même s’il me fallait attendre encore deux ans avant de pouvoir le faire officiellement. Je me rappelle de mes sentiments envers l’Institut Jean-Nicod à chaque fois que je passais devant le 29, rue d’Ulm, pendant mes deux années de scolarité à l’ENS. Je le voyais comme le petit cœur battant de la philosophie analytique à Paris, un petit coin dans une arrière-cour auquel je souhaitais être affiliée ».

Des travaux de recherche en philosophie du langage et sur l’ontologie sociale

Les travaux de Maryam Ebrahimi Dinani portent sur les règles constitutives. « L’idée de règle constitutive a été introduite dans la littérature philosophique contemporaine par opposition aux règles dites « régulatrices » explique-t-elle. Les règles régulatrices gouvernent des activités qui sont possibles indépendamment de l’existence de ces règles. Les manières de table, par exemple, sont des règles régulatrices, car l’activité de manger est possible indépendamment d’elles. Par opposition, les règles constitutives, dont le paradigme sont les règles de jeux, créent ou définissent de nouvelles formes d’activité. Les règles des échecs, par exemple, ne régulent pas simplement les échecs, mais les définissent et créentla possibilité même d’y jouer ».

Après avoir rédigé un mémoire de master sur le débat entre les théories déflationnistes et les théorie dites « substantives » de la vérité, et dans le but de poursuivre ses recherches sur la normativité de la vérité dans sa relation avec l’assertion comme acte de parole, la jeune femme se lance dans une thèse avec comme objectif de rendre compte de cette relation intime, de ce lien constitutif entre la vérité d’une proposition et l’assertion de cette proposition. « Les théories dites « normativistes » des actes de parole font usage d’une analogie entre les jeux et les actes de parole pour faire valoir que ces derniers sont, comme les jeux, définis par des règles constitutives. La notion, assez intuitive, de règle constitutive joue un rôle crucial non seulement pour les théories normativistes des actes de langage, mais aussi pour l’analyse des institutions sociales et légales au sens large, par exemple le mariage, les élections, la propriété, ou l’argent. Elle est ainsi pertinente pour l’ontologie sociale et la théorie du droit, et pour tout le domaine de la philosophie sociale. » 

Cependant, dès le début de sa thèse, elle note une ambiguïté problématique au cœur même de la notion de règle constitutive. « Celle-ci m’a donc amenée à tenter de refonder l’édifice en réanalysant les termes du débat. Mon hypothèse de travail est que, dans la mesure où le jeu et les actes de parole –et, par extension, les autres institutions sociales– ont tous la propriété d’être existentiellement dépendants d’attitudes intentionnelles humaines, une étude approfondie de ces relations doit mener à une reconstruction, sur une base nouvelle, de l’analogie entre le jeu et toutes les autres institutions sociales.

En vue de cette reconstruction de l’analogie dans des termes appropriés, sa thèse propose d’établir une distinction entre deux types de règles constitutives, "c’est-à-dire entre deux types de relations de constitution opérant dans le domaine des institutions sociales au sens large, précise-t-elle. Je voudrais, pour chacun des types de règle ainsi distingués, déterminer la nature de cette relation de constitution. Il s’agit de lever les confusions issues d’emplois hétérogènes du concept de règle dans l’analyse des pratiques sociales et institutionnelles en général et des actes de paroles en particulier." 

Une bourse destinée aux jeunes chercheuses en sciences humaines

La bourse Anna Caroppo – Fondation du Collège de France a été créée en 2017 par M. Lucio Toscano, donateur de la Fondation du Collège de France, dans l’idée d’aider financièrement de jeunes chercheuses à poursuivre leur travail. Cette démarche a été entreprise en l’honneur de la mère du donateur, Anna Caroppo, qui, suite à la ruine de sa famille, avait dû arrêter ses études à l’âge de 12 ou 13 ans. Elle permet aujourd’hui à de chercheuses en sciences humaines et sociales ayant démontré l’excellence de leur dossier académique et le caractère novateur de leur projet de recherche, de poursuivre pendant une année leur recherche au sein du Collège de France. 

« Rejoindre le Collège de France, où j’ai déjà travaillé un an en tant qu’ATER, et faire partie de l’équipe de recherche de François Recanati, la Chaire de Philosophie du langage et de l’esprit du Collège de France, me permettra de poursuivre, au-delà de la thèse, une collaboration dont je ne saurais dire combien elle m’a déjà apporté, tout en préparant, dans les meilleures conditions permises par la bourse Anna Caroppo, les prochaines étapes de ma carrière académique ».

La jeune femme poursuivra ses travaux de recherche au Collège de France, tout en restant doctorante à l’Institut Jean Nicod.

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