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« Pas né de la dernière pluie », d’Hugo Mercier : pas si dupes

Le chercheur en sciences cognitives analyse les ressorts de notre supposée crédulité.

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Publié le 07 octobre 2022 à 19h00, modifié le 07 octobre 2022 à 19h07

Temps de Lecture 2 min.

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Des manifestants dénoncent les « faits alternatifs », à Melbourne, en mars 2017.

« Pas né de la dernière pluie. La science de la confiance et de la crédulité » (Not Born Yesterday. The Science of Who We Trust and What We Believe), d’Hugo Mercier, traduit de l’anglais par Florence Dolisi, humenSciences, 448 p., 22,90 €, numérique 16 €.

Expliquer notre capacité à croire n’importe quoi – infox, rumeurs, superstitions… – par notre incorrigible crédulité paraît tomber sous le sens. C’est même, de Platon aux expériences d’un Stanley Milgram dans les années 1960, un lieu commun de l’analyse sociale que de définir le peuple comme une masse informe et naïve, facile à persuader. Les développements récents des « faits alternatifs » ont d’ailleurs rendu cette idée si populaire qu’elle passe désormais pour une clé de compréhension de notre temps.

Elle a pourtant un défaut de taille, selon Hugo Mercier : fondée sur aucune observation fine, aucune analyse approfondie des ressorts réels de nos croyances, elle n’a guère plus de consistance que les phénomènes qu’elle est censée décrire. Pas né de la dernière pluie, le premier livre en solitaire du chercheur en sciences cognitives, passe en quelque sorte cette supposée crédulité au banc d’essai. Elle n’en sort pas grandie. Nous, davantage. C’est une bonne nouvelle, même s’il est difficile de suivre l’auteur dans toutes ses conclusions.

Le point de départ, lui, est limpide. Une espèce de dupes aurait-elle prospéré autant que l’espèce humaine, alors que la communication joue un rôle vital pour elle, plus que pour tout autre ? « A force d’être trompés, les gens crédules finiraient par ne plus prêter attention aux messages, écrit Hugo Mercier. Les humains doivent être vigilants, ils n’ont pas le choix. » L’hypothèse de la crédulité se heurte, en somme, à un mur, et il est épais : la logique même de l’évolution.

Vigilance naturelle

Cela ne suffit certes pas à la ­réfuter, mais cela signifie qu’on prend peut-être les choses à l’envers, en négligeant des mécanismes de défense que nous ne cessons d’utiliser, quand nous cherchons à assimiler des arguments avant de les admettre, évaluons la compétence d’un interlocuteur ou analysons les intérêts qu’il sert. L’auteur nomme « vigilance ouverte » cette attitude spontanée, dont il montre de ­manière convaincante, constamment étayée sur des données ­expérimentales, qu’elle régit ­notre rapport concret à la communication.

L’enjeu est donc de comprendre pourquoi nous pouvons verser dans l’absurdité, malgré ce mouvement naturel. Si la prudence est la règle, l’apparente crédulité est un paradoxe, dont il faut pouvoir rendre compte en tant que tel. Hugo Mercier s’y efforce, et touche souvent juste, à travers des exemples historiques – un dictateur paraît entraîner son peuple dans ses croyances, quand il ne suscite qu’un suivisme terrorisé – ou d’actualité – l’adhésion aux théories du complot manifeste moins, selon de nombreuses études, une croyance réelle qu’un intérêt social et donc une forme de rationalité.

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